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Accession sociale et quotité des prêts

ANIL, Habitat Actualité, avril 2002
(Avec le concours de l'Observatoire des Pratiques du Conseil National de l'Habitat)


Les règles de refinancement hypothécaire et la simple prudence du prêteur l'incitent à limiter la quotité des prêts qu'il accorde pour financer des opérations d'accession à la propriété.

En effet, pour se prémunir contre le risque de non remboursement, le prêteur exige une garantie hypothécaire, souvent remplacée en France par une caution. En cas de défaillance de l'emprunteur, il fait jouer cette garantie, mais, s'il s'agit d'une hypothèque, il ne pourra recouvrer sa créance dans son intégralité que si la valeur du bien est au moins égale au capital restant dû (et même supérieure, si l'on tient compte du coût des retards de paiement et des frais de gestion d'un éventuel contentieux). C'est la raison pour laquelle les prêts éligibles au marché hypothécaire doivent bénéficier d'une sûreté réelle de premier rang et ne pas dépasser une certaine quotité du montant total de l'opération (80 % dans le cas général).
Si cette condition est remplie, peu importe au prêteur de quelle façon les 20 % restants sont financés : ce peut être par de l'apport personnel ou par d'autres prêts, à condition que ces derniers ne bénéficient pas, eux aussi, d'une sûreté réelle de premier rang.

Dans les pays anglo-saxons, au Canada et aux Pays Bas, les prêts hypothécaires sont également limités à une certaine quotité et l'apport personnel est remplacé par une assurance-crédit ; en cas d'impayé, l'assurance, après avoir remboursé le prêteur, peut se retourner contre l'accédant défaillant.

En France, certains prêts, comme les prêts d'épargne logement, le prêt à taux zéro, les prêts " 1 % " ou les prêts dits sociaux, c'est-à-dire les prêts hors marché à taux privilégié, jouent fréquemment ce rôle. Ce sont d'ailleurs les seuls autorisés en complément d'un prêt conventionné. Ils ont longtemps été regroupés, par abus de langage, sous le terme de " prêts constitutifs d'apport personnel ", ce qui signifiait qu'ils pouvaient être assimilés à de l'apport personnel dans l'optique de l'éligibilité du prêt principal au marché hypothécaire.
Mais dans la pratique, le prêt complémentaire est souvent accordé par le même établissement que le prêt principal ; de plus, il peut lui-même être assorti d'une garantie hypothécaire, notamment lorsqu'il s'agit d'un prêt d'épargne logement, lequel peut d'ailleurs lui-même prétendre à une sûreté de premier rang. Il est donc courant, aujourd'hui, qu'un même établissement finance une opération d'accession à plus de 80 %, voire pour la totalité du montant de l'opération (les financements à 100, voire à 110 %, après consolidation des prêts à la consommation ne sont pas rares). Dans certains cas, l'emprunteur dispose bien d'une épargne personnelle, mais il ne souhaite pas l'engager dans l'opération, par exemple parce qu'il s'agit d'un produit d'épargne contractuel qu'il n'a pas intérêt à inter-rompre, et dont l'existence représente par ailleurs une sorte de garantie pour le prêteur.

Cette pratique est la conséquence naturelle du développement de l'accession sociale. Dans tous les pays, la volonté d'encourager l'accession sociale et le cas échéant de rajeunir les accédants, exige en effet qu'il soit possible de passer outre à l'absence ou l'extrême modicité de l'épargne préalable.

Dans ces conditions, l'intérêt des prêts dits autrefois " constitutifs d'apport personnel " réside exclusivement dans l'économie qu'ils permettent à l'emprunteur. C'est manifeste dans le cas des prêts d'épargne logement, dont l'occurrence dans les plans de financement s'est effondrée dès lors que leurs taux n'ont plus été compétitifs avec ceux du marché.
Il en va de même pour les prêts employeurs : il est de l'intérêt de l'emprunteur de les mobiliser lorsque c'est possible, puisque leur taux est au maximum de 1,5 %. En revanche, le fait pour un établissement financier d'arguer de l'impossibilité, pour l'emprunteur, de bénéficier d'un tel prêt, pour ne pas accorder le prêt principal, apparaît comme un prétexte permettant de ne pas faire état d'un refus pur et simple.

En réalité, la notion de prêt constitutif d'apport personnel n'a plus d'objet et sa dénomination était même de nature à induire l'emprunteur en erreur : les prêts se distinguent en deux catégories, les prêts de marché et les prêts hors marché à taux préférentiels, qui de surcroît se contentent le plus souvent d'une garantie de second rang, ce qui veut dire qu'en cas de difficultés, ils ne seront remboursés qu'après les autres.

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