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Expulsions locatives : notion de lieu habité et nouveauté sur le squat

L’expulsion d’un locataire ou d’un occupant sans droit ni titre est soumise au respect de règles et de délais prévus par le législateur.

Pour rappel, seule une expulsion ordonnée par une décision de justice et pour laquelle l’occupant a reçu un commandement de quitter les lieux peut être poursuivie (il n’est ici pas fait référence aux squatteurs, pour lesquels la loi ELAN a prévu la faculté pour le juge de réduire ou de supprimer le délai de deux mois suivant la délivrance du commandement de quitter les lieux) - cf. infra.

L’article L412-1 du Code des Procédures Civiles d’Exécution (CPCE) prévoit ainsi que l’expulsion d’un lieu habité « ne peut avoir lieu qu’à l’expiration d’un délai de deux mois » suivant la délivrance d’un commandement de quitter les lieux.

 

Qu’entend-on par « lieu habité » ?

L’article L 411-1 du CPCE, qui a introduit cette notion, a prévu un champ d’application large.

Ainsi, le terme de « lieu habité » ne renvoie pas uniquement à la notion d’immeuble au sens juridique du terme, mais à toutes les habitations, quelle que soit leur nature.
Par exemple, tout bien meuble (c’est-à-dire pouvant être déplacé) pourrait être considéré comme un lieu habité, dès lors qu’il sert d’abri à ses occupants : une caravane, un bateau, une remorque…

La Cour de Cassation (deuxième chambre civile) a confirmé ce principe dans un arrêt du 9 janvier 2020 (Cass. Civ. II, 9 janvier 2020, 18-23.975) :

En l’espèce, une société s’est vue consentir par un établissement public d’aménagement une convention d’occupation temporaire pour exploiter un club de golf.

Aux termes de cette convention, il était précisé que les locaux étaient exclusivement destinés à une activité de practice de golf, et l’occupation à usage de logement prohibée.

Pourtant, le gérant de la société a établi son domicile dans les locaux.

L’expulsion de cette société des terrains qu’elle occupait a été ordonnée par le Tribunal, et un commandement d’avoir à libérer les locaux sous un mois a été délivré.

La société a saisi le JEX aux fins de suspension de la mesure d’expulsion pour une durée de six mois, mais sa demande a été rejetée.

La société, ainsi que le gérant de celle-ci, ont alors interjeté appel.

L’établissement public d’aménagement, qui invoquait l’interdiction d’usage d’habitation des locaux, a été débouté et condamné à indemniser le gérant de la société pour le préjudice matériel et moral subi par son expulsion. En outre, la procédure d’expulsion a été annulée pour non-respect du délai de deux mois suite à la signification du commandement de quitter les lieux, alors que les lieux expulsés étaient habités à usage de logement.

Il a alors formé un pourvoi en Cassation.

La Cour de Cassation a rejeté le pourvoi et prononcé l’annulation de la procédure d’expulsion pour non-respect du délai de 2 mois prévu par l’article L 412-1 du CPCE.
En effet, la Cour de Cassation a considéré que ce délai devait s’appliquer dès lors que les lieux étaient effectivement habités, même si l’usage des locaux en qualité de logement était interdit.

 

Et le squat ?

La notion de squat renvoie aux « personnes entrées sans droit ni titre dans le domicile d’autrui, à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte ».

Comme l’actualité nous l’a montré encore récemment (voir ici également) , les cas de squat d’un logement sont assez répandus.

L'article 102, alinéa 1er du code civil, définit le domicile comme « le lieu où (une personne) a son principal établissement » quant à l’exercice de ses droits civils.

Il convient de rappeler qu’il existe deux procédures d’expulsion distinctes pour un propriétaire dont le logement est squatté, selon qu’il s’agisse de sa résidence principale ou de sa résidence secondaire.

1. Dans l’hypothèse du squat de la résidence principale, dès lors que le propriétaire peut rapporter la preuve que le logement constitue sa résidence principale et qu’il dépose plainte, l’occupation illégale est constatée par un officier de police judiciaire.

Le Préfet va alors mettre l’occupant en demeure de libérer les lieux sous 24 heures, par un affichage sur les lieux et en mairie.

Dans le cas d’une absence de libération des locaux, le préfet pourra ordonner l’évacuation forcée des lieux.

2. Dans l’hypothèse où le logement squatté constitue la résidence secondaire du propriétaire (c’est-à-dire tout bien immobilier ne constituant pas la résidence principale, donc occupé à titre « occasionnel »), la procédure diffère selon que les squatteurs auront intégré les lieux depuis plus ou moins de 48 heures.

Lorsque le propriétaire peut rapporter la preuve d’un squat intervenu depuis moins de 48 heures, un officier de police peut intervenir dans le cadre d’une enquête de flagrance et permettre de récupérer le logement sans avoir recours à la justice.

A l’inverse, lorsque ce délai de 48 heures est expiré ou lorsque l’enquête de flagrance ne peut aboutir, le propriétaire n’a pas d’autre choix que de saisir la justice pour demander l’expulsion des occupants. Sa démarche ne pourra toutefois aboutir que s’il parvient à démontrer l’occupation de son bien, et recueillir l’identité d’au moins l’un des occupants, pour faire dresser une assignation en expulsion devant le Tribunal Judiciaire.

Comme pour une procédure en expulsion faisant suite à une résiliation de bail, le squatteur doit être destinataire d’un commandement de quitter les lieux, lui laissant un délai de deux mois pour libérer les locaux, à l’issue duquel le concours de la force publique peut être sollicité en cas de maintien dans les lieux.

Or, depuis la loi ELAN du 23 novembre 2018, la faculté a été offerte au juge de réduire ou de supprimer le délai de deux mois suivant la délivrance du commandement de quitter les lieux, et les squatteurs ne peuvent plus se prévaloir du bénéfice de la trêve hivernale.

C’est face à la lenteur de la procédure dans cette dernière hypothèse (entre un an et un an et demi), au vu des récentes situations ayant fait la une des médias et soulevé de nombreuses incompréhensions, et dans la continuité de la loi ELAN, que le député Guillaume KASBARIAN a déposé un amendement le 14 septembre 2020 (soutenu par la ministre en charge du logement Emmanuelle WARGON) visant à diminuer les délais de la procédure.

Aux termes de cet amendement, le domicile s’entend désormais tant de la résidence principale que secondaire ou « occasionnelle », et le préfet pourra être saisi de la demande d’expulsion même au-delà de 48 heures, afin d’éviter tout recours à la justice.

Afin d’agir rapidement, le Préfet saisi d’une demande d’évacuation forcée devra, aux termes de ce texte, « agir sans délai », et en cas de refus de sa part de donner suite à la demande d’un propriétaire, motiver son refus et communiquer ces motifs « sans délai ».

Cet amendement a été adopté le 16 septembre 2020, dans le cadre du projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique.
 

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